L’automne

Salut ! bois couronnés d’un reste de verdure !

Feuillages jaunissants sur les gazons épars !

Salut, derniers beaux jours ! le deuil de la nature

Convient à la douleur et plaît a mes regards !

Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire,

J’aime à revoir encor, pour la dernière fois,

Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière

Perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois !

Oui, dans ces jours d’automne où la nature expire,

À ses regards voilés, je trouve plus d’attraits,

C’est l’adieu d’un ami, c’est le dernier sourire

Des lèvres que la mort va fermer pour jamais !

Ainsi, prêt à quitter l’horizon de la vie,

Pleurant de mes longs jours l’espoir évanoui,

Je me retourne encore, et d’un regard d’envie

Je contemple ses biens dont je n’ai pas joui !

Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,

Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ;

L’air est si parfumé ! la lumière est si pure !

Aux regards d’un mourant le soleil est si beau !

Je voudrais maintenant vider jusqu’à la lie

Ce calice mêlé de nectar et de fiel !

Au fond de cette coupe où je buvais la vie,

Peut-être restait-il une goutte de miel ?

Peut-être l’avenir me gardait-il encore

Un retour de bonheur dont l’espoir est perdu ?

Peut-être dans la foule, une âme que j’ignore

Aurait compris mon âme, et m’aurait répondu ?...

La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ;

À la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ;

Moi, je meurs ; et mon âme, au moment qu’elle expire,

S’exhale comme un son triste et mélodieux.

Référence bibliographique

Lamartine, Alphonse de, « L’automne », Méditations poétiques, Paris, Gallimard, 1981, [1820].

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